
La sécheresse n'est pas un sujet traité dans notre actualité locale, j'entends par là nos médias québécois et plus largement ceux du reste de l'est du Canada, de Toronto à Terre-Neuve. D'ailleurs, quand je tape le mot anglais « drought » sur Internet, ce sont des informations sur la vedette du golf Tiger Wooods qui s'offrent à moi. J'ai trouvé le lien amusant. Les terrains de golf sont des symboles de non-durabilité lorsqu'ils sont érigés dans des zones arides. Ils sont alors perçus comme la victoire de l'homme sur la nature. (sic) Parlons-en de la nature! Il se passe actuellement un phénomène assez rare qui, je crois, nous préoccupera et fera les manchettes cet été. Il ne s'agit pas ici d'une sécheresse locale dont les impacts seraient limités ; je parle de plusieurs sécheresses continentales et simultanées, des sécheresses qui frappent les régions habituelles des États-Unis, les États du Sud-Ouest qui dépendent du fleuve Colorado et de la nappe de l'Ogallala, aussi des États du Sud comme le Texas jusqu'à la Floride. Je parle aussi des sécheresses qui frappent durement l'Europe (l’Angleterre, la France, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, etc.) et dont les impacts seront encore plus visibles cet été. Il y a aussi celles qui sévissent en Chine qui, comme celles des États-Unis, perdurent depuis plusieurs années et aussi celles des États de la Corne de l'Afrique. La situation du Texas reflète bien ce qui menace la population. Un article paru récemment sur le site Web du quotidien Chicago Tribune et intitulé «
Texas' 2011 drought costliest in state history» explique très bien les enjeux et les impacts importants qui attendent les citoyens et les décideurs texans. L'industrie du coton et de l'élevage de bétail sont les activités agricoles dominantes de cet État. L'année dernière, les pertes économiques s'estimaient autour de 5 milliards de dollars. Et cela ne couvre que cette portion de l'activité agricole. Cette année, plusieurs milliers d'acres de culture de céréales ne seront pas produites, faute d'eau. Aussi, certains éleveurs ont commencé à se départir d'une partie de leur cheptel, et parfois même des génisses qui représentent pourtant l'avenir d'un troupeau.En Europe, la situation est tout aussi préoccupante. Les autorités des pays concernés sont en préparation pour atténuer et s'adapter à cette situation. C'est le cas en Espagne, comme le souligne l'article « La sécheresse en Europe: des pays demandent de l'aide » que propose le Figaro. L'Espagne, qui est pourtant mal en point, voit le début de sa saison agricole se pointer, alors que le stress hydrique, qui est à un niveau historique, suit un hiver sec. En France, les citoyens s'apprêtent à repasser dans le scénario de la rationalisation de la consommation de l'eau. L'industrie nucléaire devra temporiser la production d'électricité en conjonction avec cette sécheresse qui s'annonce au moins aussi importante qu'en 2011. L’Angleterre n'est pas en reste. Le pays où la brume y a habituellement sa maison est déjà, depuis février, en état de sécheresse déclarée.En Chine, c'est dans la province du Yunnan où sévit une crise hydrique importante; la population semble déjà affectée (3 millions de personnes). Selon Chine nouvelle internationale: « La sécheresse et les faibles précipitations durant ces trois dernières années ont asséché 273 rivières et 413 petits réservoirs au Yunnan.» (Citation provenant d'une courte
dépêche de l'organe officiel d'information chinoise.) La condition de l'eau en Chine est préoccupante. Le service de presse en ligne européen Euroactiv, sous la plume de Timothy Spence, se préoccupe également de cette simultanéité des sécheresses et surtout de leur longévité. Dans un article titré, «
Tout le monde pourra-t-il boire à sa soif ? », Spence évoque ces sécheresses continentales et prolongées dont la situation « affecte la production alimentaire et soulève des questions quant à la stabilité à long terme des réserves d'eau ». En Europe, plus particulièrement, « troisième hiver sec d'affilée en Angleterre a amené les autorités britanniques à envisager des mesures de conservation. Le gouvernement chinois a quant à lui affirmé que deux tiers des villes du pays étaient confrontés à de sévères pénuries d'eau en raison de la sécheresse et de la croissance de la consommation ». Un
sondage réalisé en mars 2012 par la Commission européenne montre que les Européens constatent qu'ils ne sont pas bien informés (62 %) de la situation de l'eau sur leur territoire. Que nous dit cette situation mondiale de l'eau? Pourquoi souligner justement cette simultanéité et cette prolongation de sécheresse devenue maintenant quasi chronique? Parce que les impacts seront importants dans nos vies. La disponibilité des aliments, ou de leur accessibilité, les nombreuses chaînes d'approvisionnement de plusieurs industries seront affectées, dont celles de l'énergie. L'eau est essentielle à la vie et aux activités mises en place par l'homme pour soutenir sa définition du bien-être. Elle est ainsi une garante de la stabilité et de la sécurité entre les États. Cette situation préoccupante nous convie plus que jamais à notre rôle de fiduciaire des richesses de la planète et de celles que nous avons sur notre territoire, et à notre lien avec elle. Ce détachement actuel face à cette situation est tout aussi préoccupant que la situation elle-même. Il démontre notre coupure face aux réalités des écosystèmes. Les Texans, les Espagnols, les Anglais et les Chinois, qui sont directement affectés par les sécheresses, perçoivent maintenant ce lien dans l'effroi. Ils demandent des mesures de protection, d'adaptation et de réduction de la consommation. Dans le livre à paraître
Eau... Code rouge, une proposition de gouvernance écologique y est énoncée : une approche qui cherche à refaire le lien entre l'homme et les écosystèmes, devenir des fiduciaires responsables et intelligents. Le 20
e siècle est bel et bien fini et pourtant l'eau est au cœur du Plan Nord, des sables bitumineux, du gaz de schistes. Ces projets et ces activités économiques sont des « échappés » du 19
e et du 20
e siècle, et les saupoudrer de développement durable n'arrangera rien! Il nous faut penser autrement! N'attendons pas les évènements climatiques extrêmes pour réfléchir. Comprendre, éveiller, s'adapter sont les mots-clés d'aujourd'hui. Fabien Beaudet, M.Env. Lire cet article en complément.
L'Europe craint un été difficile, Actu-Environnement, 10 avril 2012.