
J'ai assisté à la 24e conférence de l’Association de la maîtrise en environnement de l'Université de Sherbrooke (AEMEUS) dont le sujet portait sur le Plan Nord dans un contexte de développement durable. L'activité fut très intéressante et s'est déroulée avec précision.
Au début, le premier ministre, monsieur Jean Charest, est venu exposer le projet du Plan Nord, les motivations qui en sont à l'origine ainsi que la volonté de l'État québécois d'en faire un modèle de développement durable pour les générations futures. Monsieur Charest se montre convaincant dans ses propos et dans sa profession de foi quant à l'approche du développement durable. Il appuie d'ailleurs toujours celle-ci sur son expérience au gouvernement fédéral "l'un des plus verts de l'histoire", dit-il.
Par la suite, les conférenciers -Voir la liste ici - (malheureusement, Ghislain Picard n'a pas été en mesure d'exposer le point de vue autochtone, ne pouvant se présenter) ont présenté leur perception et le contact qu'ils ont avec ce projet de développement qui prend place au 21e siècle. Je n'ai pas été en mesure d'assister à toutes les conférences. Par contre, celles auxquels j'ai assisté furent intéressantes, pertinentes et bien documentées. Je ne commenterai pas celles-ci une à une, cependant, j'en conclus globalement que le Plan Nord, malgré la présentation volontairement optimiste du premier ministre, manque de vision, de cohérence, de contrôle et de planification. Le Plan Nord ne sera pas le plus grand projet industriel de développement durable du monde et il ne sera pas le modèle qu'en espère le gouvernement. Si nous poursuivons l'élan qui semble bien mal amorcé par nos leaders actuels, il sera l'équivalent de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta: un projet du 19e siècle assaisonné maladroitement à la mode du développement durable comme apparat, ou digestif. Les dégâts promettent d'être aussi vastes que le projet (50 à 80 % du territoire exploitable) sans compter l'exploitation de mines d'uraniums!
Je le perçois aussi comme le festival de l'ingénierie. En effet il exprime notre maladie culturelle de tout faire passer notre activité économique stratégique par l'ingénierie. Ainsi, de grands projets d'infrastructure sont aussi associés au Plan Nord, au grand bonheur de nos firmes locales. Ce n'est pas un mal en soi, mais cela ne devrait plus dominer nos actions de développement dit stratégique.
Est-ce que tout cela est viable? Il semble bien que non. Voilà un projet de développement social et économique dont les préoccupations environnementales ne sont encore qu'accessoires malgré les dires de notre gouvernement. Tout de ce projet aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale stratégique. Mais nous sommes encore témoins ici d'une approche "courtermiste" habituelle, pratiquée aussi avec l'industrie du gaz de schiste au Sud. L'État se dépêche de procéder pour ensuite réfléchir. Les écosystèmes du Nord déjà grandement affectés par le changement climatique auront-ils de la résilience face à cette "attaque" de la croissance économique? Une exploitation menée par des entreprises qui sont, pour la plupart, plus importantes en revenus que l'État lui-même et dont les comportements éthiques sont variables. Voir à ce sujet la dernière étude de Novethic.
En crise écologique mondiale, le Québec doit modifier ses manières de faire, donner un vrai signal. Pour être crédibles, nos réflexes doivent changer. Et pour le faire nous avons l'obligation de nous harmoniser avec les autochtones et d'inviter la terre à s'exprimer à chaque projet à travers une évaluation environnementale stratégique. La croissance économique sous le dicta de la finance et du PIB n'est plus de mise. Il faut innover! En résumé, le Plan Nord sous le regard du développement durable, ne passe pas le test. Ce projet est une redite du passé. Est-ce que les efforts actuels de rattrapage seront suffisant?
Pour terminer, je veux souligner tout le plaisir que j'ai eu de rencontrer monsieur Harvey Mead. Il a prononcé sa conférence sur l'indice de progrès véritable (IPV), un indicateur mesurant réellement l'activité humaine à travers des intrants et extrans plutôt oubliés par le PIB actuel. Il l'a appliqué au Québec dans sa dernière publication: L'indice de progrès véritable du Québec, que je me promets de lire et de commenter sur ce blogue. J'ai aussi assisté aux présentations de messieurs Christian Simard, de Nature Québec, Patrick Nadeau, de la Société de la nature et des parcs du Québec et Éric Giroux de l'Association québécoise pour l'évaluation des impacts, des gens passionnés qui ont livré une excellente expertise.
Merci aux organisateurs!