Instaurer la RSE chez les PME une question de nature et d'intelligence.

12.06.12 05:30 PM - Comment(s) - By Fabien Beaudet

Vous réfléchissez à la manière de mieux saisir les défis qu'offre votre entreprise ? Alors peut-être trouverez-vous utile de lire cet article. Vous le devinez bien, dans le contexte de la mission de mon entreprise, je rencontre les dirigeants et les propriétaires de PME afin de leur parler de leurs liens avec l'environnement et du développement durable.  Comme professionnel des affaires et de l'environnement, je constate bien, sinon le scepticisme à tout le moins, les hésitations de mes interlocuteurs, déjà bien essoufflés par la course à la survie ou au maintien de leur position concurrentielle. Pourtant, reporter ou, pire encore, ignorer la mise en place d'une politique de RSE ou de développement durable les contraignent souvent à devoir poursuivre leurs opérations dans la cécité du court terme, les privant ainsi d'ajouter des forces à leurs entreprises. Quelles sont ces forces? Réaliser les économies en haussant leur efficacité avec les ressources matérielles, humaines, écologiques et financières, car il est convenu que l'intégration de la RSE peut provoquer non seulement des économies à brèves échéances, mais aussi des occasions d'affaires non perçues au départ. Cette efficience provoquée par la RSE générera de la valeur incorporelle à l'entreprise et aussi un impact quant à la perception positive de l'image que l'entreprise projette, ou souhaite projeter, dans la communauté. Également, un autre bénéfice très important est le sentiment d'adhésion que cela génère chez les employés de l'organisation.

Diagramme 1. Les PME et la RSE

Revenons sur les hésitations. Le diagramme intitulé « Les PME et la RSE » expose les trois sphères du développement durable comme nous avons maintenant l'habitude de le voir. Chacune d'elles représente l'économie, la société et l'environnement. Au centre, à la rencontre des trois sphères, se situe la zone d'équilibre où j'ai localisé la zone où se situe la RSE ou encore une politique du développement durable qui a comme objet d'amener les activités de l'entreprise vers cette zone et de les communiquer. Ensuite, au périmètre, j'ai identifié une autre zone qui représente l'espace où se situeraient les entreprises sensibilisées, intéressées, informées autour de la question très générale de la responsabilité sociale et environnementale, mais sans avoir vraiment intégré formellement un système de gestion environnementale ou une RSE, par exemple. Ces entreprises, que j'ai identifiées en bleu, connaissent  l'existence de la RSE, au point d'en faire la promotion mais elles connaissent peu les programmes ou des méthodes pour intégrer formellement leurs préoccupations à travers une RSE. Elles en ont apparemment une perception de complexité ou encore de coûts prohibitifs de l'exercice d'intégration de ce type de politique. Aussi, elles ne sont pas à l'aise de communiquer leurs activités de RSE. Souvent à tort, elles croient aussi que seule la grande entreprise a les moyens de se doter de telles politiques. D'un autre côté, elles ont intégré, informellement certaines pratiques responsables afin de réduire leurs impacts ou pour rendre plus efficace l'utilisation de certaines ressources. Généralement, c'est le propriétaire ou le dirigeant qui teintera, par ses références sociales  économiques et culturelles, les actions de son entreprise dans les sphères qu'il jugera pertinentes. 

En noir, j'ai identifié les entreprises pour qui l'idée même de se doter d'une RSE est une hérésie économique. Les gestionnaires ou propriétaires n'ont pas l'impression d'avoir une emprise sur les extrants sociaux et écologiques de leurs activités et se rabattent généralement sur l'État afin qu'il règlemente ce qui doit être fait sur ce plan. Aussi, ne voient-ils que les coûts liés à l'exercice.

Bien entendu, il y a place pour la nuance dans ce portrait, mais j'ai tenté de le tracer grâce à une revue de littérature des articles et études portant sur la question entre 2006 et 2009 et réalisée par une équipe de recherche belge (1) « La RSE est perçue comme un moyen d’atteindre des objectifs et ne constitue pas une fin en soi. Dans cette perspective, la RSE ne relève pas directement des valeurs personnelles du dirigeant et ne répond pas prioritairement à un devoir moral. On est ici en présence d’une version instrumentale de la RSE. Relevons toutefois que les objectifs des dirigeants sont multiples, et ne concernent pas uniquement la recherche de profit immédiat. Les PME approchent la RSE plutôt comme un moyen de garantir leur " licence to operate" dans leur propre communauté, d’investir dans les relations avec les parties prenantes, en particulier avec les partenaires sociaux, les fournisseurs, les clients et les investisseurs, ou d’améliorer différents processus, tels que la production, la qualité des produits, etc. » (LOUCHE, C. et collab. 2011, p.10)

L'inverse est aussi observé : « l’engagement dans la RSE des PME est avant tout dû aux valeurs personnelles du dirigeant, et non en raison d’une perception instrumentale et stratégique de la RSE. La RSE est ici perçue comme un devoir moral, une obligation de respecter et de satisfaire aux besoins des parties prenantes, de rendre en retour à la communauté quitte à rien n’en retirer, voire même à devoir subir des inconvénients tels que des coûts supplémentaires par exemple. Certains entrepreneurs ont développé une motivation quasi "spirituelle" à leur engagement en RSE. »  (LOUCHE, C. et collab. Ibid.)

J'ai sciemment exposé ici les deux perceptions favorables face à la  RSE, même si les motivations sont totalement différentes. Êtes-vous un « Jesus freak » de la chose environnementale? Ou un gestionnaire calculateur et stratégique qui souhaite instrumenter l'outil de la RSE pour l'atteinte de ses objectifs? Dans les deux cas, le résultat sera le même, c'est-à-dire que vous dirigerez une opération d'affaires qui génèrera plus de valeur tout en améliorant constamment sa performance dans les trois sphères du développement durable.

Pour la terminer, La RSE et la PME c'est aussi une question d'intelligence. Pour une petite entreprise qui n'a pas encore de plan stratégique en marche, l'intégration de la RSE devient un moyen exceptionnel d'en instaurer un qui soit complet et porteur de la vision des gestionnaires-propriétaires. (2)

Fabien Beaudet

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1. LOUCHE, C. et E. MICHOTTE (2011). La responsabilité sociale des entreprises dans les petites et moyennes entreprises: Revue de littérature 2001-2009 et stratégies de recherche, CEB Wirking paper No 11/003 2011, Université Libre de Bruxelles - Solvay Brussels School of Economics and Management Centre Emile Bernheim, 24 p.

2. Long t.2012, Des initiatives de RSE intelligentes peuvent stimuler la stratégie des PME, résumé d'un article scientifique de MacGregor, S., & Fontrodona, J. (2011). Strategic CSR for SMEs: Paradox or Possibility? Universia Business Review, 30:80-94 parue dans le bulletin Réseau entreprise et développement durable sur le site Web: http://nbs.net/fr/connaissances/pme/perspective-des-initiatives-de-rse-intelligentes-peuvent-stimuler-la-strategie-des-pme/, visité le 12 juin 2012.  

Fabien Beaudet

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